Au fil des jours, je posterai ce que je glane. Lu ce matin dans Poezibao:
“On sait qu’écrire est pour nombre d’écrivains un exercice de remémoration qu’on pratique en solitaire et à huis-clos. Un exercice pour lequel nul témoin n’est envisageable. Et si l’on s’interroge que trop souvent sur le pourquoi et en vue de quoi on se met à écrire, on évite toutefois de poser la question du comment, jugée peu digne d’intérêt. Comment s’y prendre pour parvenir à écrire ? Comment cet acte, qui se pratique à main nue et dont George Bataille va jusqu’à dire qu’il est d’emblée sacrificiel, trouve-t-il à se faire, et parfois au détriment de l’entente que nous supposons en avoir. Ne passe-t-il pas déjà clandestinement de main en main, comme le laissaient entendre les éditions de La Main courante. En souvenir de son éditeur, Pierre Courtaud, qui était aussi un écrivain polygraphe, féru de taoïsme, et grand fervent de Gertrude Stein, l’idée m’est venue de proposer sur Poezibao un chantier collectif au fort duquel chaque intervenant serait convié à faire état de l’acte d’écrire tel qu’il lui est donné à vivre. Un acte qui semble toujours à portée de main, alors qu’il peut à tout moment vous faire faux bond, s’avérer à double tranchant, ou vous égarer dans votre propre labyrinthe mental. Un acte à haut risque, funeste pour certains, salvateur pour d’autres. Et sur lequel il y aurait lieu de s’interroger en clinicien pour noter quelles sont les circonstances propices à sa survenue ? Quels sont les troubles physiologiques qu’il est en mesure de générer dans le corps de qui écrit ? Quels sont les transferts de pensée et les réminiscences qu’il suscite ? De quelle nature est l’état de crise identitaire, voire de dérèglement neuronal qu’instaure sa pratique ? Sans oublier la sorte de menace qu’un tel acte tente souvent de conjurer, tout en l’invoquant à distance et par maints détours ? Voilà, à titre indicatif, une suite de questions qui me viennent en guise de préliminaires pour inaugurer ce projet collectif autour de l’acte d’écrire, et sur lequel plane au dire de Kafka une foncière incertitude. Kafka dont on sait qu’il était sujet à des insomnies, et qui l’amenaient parfois à écrire en état de rêve éveillé, et ce dans l’exacte prolongement de ses nerfs. À broyer du noir sur fond de nuit blanche.
Siegfried Plümper-Hüttenbrink
image issue de “Le temps des îles” Mucem/Parenthèses